Sœur Cécile Leung : « Je continuerai à marcher à la suite de Jésus-Christ »
Issue d’une famille originaire de Chine, Sœur Cécile Leung a choisi de suivre le Christ. Sa mission a été d’enseigner aux jeunes la langue française pendant plusieurs années. À 80 ans, elle revient sur son parcours.
Use it or lose it : telle est la devise de Sœur Cécile Leung. Du haut de ses 80 ans, elle est toujours active et garde la forme. Retraitée, elle a passé la majeure de son temps en mission aux États-Unis, plus précisément à Chicago. « Je porte fièrement le quadricolore mauricien là où je vais. Enseigner a toujours été ma passion. Après avoir passé une quinzaine d’années à Taiwan, je suis donc partie pour les États-Unis afin de commencer une nouvelle carrière », dit-elle. Elle revient alors de temps en temps dans son île natale pour voir les siens.
Zanfan Lakanpagn
Pour garder la forme, pas question de voyager en voiture. « Quand je viens en vacances, je ne voyage jamais en voiture. Je prends le bus, je marche ou maintenant, je prends le métro. C’est un moyen de rester en bonne santé. À 80 ans, je respire la vie »
Née à Deep River, Bel-Air-Rivière-Sèche, sa famille avait une boutique dans la région. D’ailleurs, Sœur Cécile a passé les premières années de sa vie dans cette boutique que fréquentaient les ouvriers du « moulin ». Zanfan lakanpagn, sa vie était rythmée par la plantation, la récolte de la canne à sucre et la production de sucre pendant « la coupe ». Enfant, la meilleure partie était d’aller à l’école à vélo avec son père. « Je me souviens être allée à l’école primaire d’Olivia. À cette époque, les enfants étaient assis sur des coussins. »
Ensuite, direction une école chinoise à Port-Louis. « J’ai pleuré tous les jours car j’avais peur du grand ‘rotin bazar’ qu’avait en sa possession l’enseignant » De là commence alors une tout autre aventure, car Sœur Cécile Leung rejoint le collège Lorette comme élève.
Inspirée à devenir religieuses
C’est alors qu’elle sent l’appel à suivre Christ. Elle travaillera comme enseignante au collège Lorette de Port-Louis jusqu’à ce qu’elle quitte Maurice à l’âge de 22 ans pour le noviciat des Réparatrices en Normandie, France. À force d’avoir côtoyé les Sœurs de Lorette, elle est inspirée à devenir religieuse. « J’ai répondu à un appel de Jésus que j’ai ressenti lorsque j’ai eu seize ans. Au plus profond de mon être, j’avais la conviction que je n’avais qu’une vie et que je ferais mieux d’en tirer le meilleur parti. Suivre Jésus et consacrer ma vie aux autres semblait mon meilleur pari. »
C’était un challenge pour elle. Le défi le plus difficile a été l’objection de ses parents. À l’époque, la vie religieuse était réglée par une discipline de fer. Pas le droit de rentrer à la maison pour partager un repas, par exemple. « C’est vraiment difficile d’être entre deux cultures. J’ai brisé le cœur de mes parents en allant à l’encontre de nos traditions. Mais je voulais suivre ce Christ. »
Après deux ans en France, Sœur Cécile rentre à Maurice pour ensuite être transférée, chez les Auxiliatrices en Asie. Elle travaillera donc à Hong Kong, puis Taiwan. Comme elle est dynamique, sa mission consistait entre autres à trouver un moyen de rentrer en contact avec les jeunes. 4% de la population était catholique, et le seul moyen de rencontrer ces jeunes était via l’enseignement. « On m’a dit, allez-y, allez donc enseigner, comme ça, vous pourrez voir les jeunes. Et c’est là que j’ai recommencé ma formation académique. »
Le coeur à l’éducation
Pour continuer dans cette orientation professionnelle, il fallait donc décrocher un PHD (doctorat). Et c’est là qu’une toute autre aventure qui commence. Sœur Cécille sera envoyée aux États-Unis pour un doctorat, mais ne reviendra plus jamais en mission à Taiwan. Aux États-Unis, elle enseigne le français à la Winthrop University de Caroline du Sud. « Travailler dans cette université signifiait beaucoup de choses. C’était le moyen d’ouvrir l’esprit des jeunes Américains à autre chose que ce qu’ils savaient. J’ai toujours insisté sur l’idée du respect de celui qui est différent de nous. J’ai établi un programme d’échange officiel entre la Winthrop University et l’université de Bourgogne en France pour permettre à nos étudiants de voir l’Europe. »
Très discrète de nature, Sœur Cécile avait à cœur l’éducation de ses étudiants. Sa passion n’était pas la recherche, mais la mission auprès des jeunes. Elle confie que ses étudiants étaient des individus qui devaient avoir une vision holistique de la vie, en plus d’apprendre une matière. Et là où elle travaillait, les professeurs n’étaient pas autorisés par la loi à parler de religion. Les étudiants savaient pourtant qu’elle était religieuse. « Je n’ai jamais entendu aucune plainte ; en fait, les étudiants trouvaient une façon de réfléchir aux questions fondamentales sur le sens de la vie ; ils voulaient construire un monde meilleur. »
En relisant sa vie, la fille d’immigrés chinois non-catholiques se rend compte que sa décision de suivre le Christ a été certes douloureuse pour sa famille, mais elle se savait appelée par Jésus. « C’est le fait d’avoir côtoyé les Sœurs de Lorette lors de mon parcours. Si elles peuvent donner leur vie pour être auprès de nous, pourquoi pas nous ? Je continuerai à marcher à la suite de Jésus-Christ », conclut-elle.
Arline Esther-Gérard